Moreno est paradoxal et souvent excessif. C’est un homme-orchestre capable d’idées géniales, un homme à la personnalité bouillonnante et à multiples facettes, souvent contradictoires.
Malgré sa célébrité, et surtout la notoriété du psychodrame, devenu nom commun, on aurait pu tout aussi bien écrire « Moreno, cet inconnu », «Moreno, ce méconnu», ou « Moreno, ce pillé ».
Sans lui, les sciences humaines ne seraient pas ce qu’elles sont, même s’il n’est pas toujours allé jusqu’au bout de ses idées et s’il n’en a pas toujours démontré la validité. Mais du moins il a essayé, testé les limites et ses limites, partagé ses idées et ses idéaux, et développé ses intuitions…

On a beaucoup « emprunté » à Moreno sans le nommer et écrit beaucoup de choses inexactes et imprécises sur lui. Il est grand temps de les rectifier, afin de lui rendre justice.
J. L. Moreno (1889-1974) est un homme complexe, introverti et rêveur, et en même temps plus qu’extraverti (quasi théâtral), un esprit bouillonnant, passionné, passionnant, aimant et rejetant, aimé et haï, fertile et créateur, qui a grandement transformé la pratique de la psychologie, de la psychosociologie, de la sociologie et de la psychothérapie individuelle et surtout de groupe – et aussi les pratiques de formation et d’enseignement.

Sa date de naissance (1892, de fait 18 mai 1889) est inexacte dans tous les ouvrages antérieurs à sa mort, et même souvent depuis, et les prénoms qu’on lui attribue sont souvent fantaisistes.
Médecin, sociologue, philosophe, psychothérapeute de groupe et homme de théâtre d’Europe centrale (élevé dans la Vienne de l’Empire austro-hongrois, puis émigré en 1926 aux États-Unis et naturalisé américain), il est le créateur du psychodrame et du sociodrame, de la sociométrie, de la psychothérapie de groupe (1932), de la théorie des rôles (1934), d’une forme d’action-recherche, de « méthodes actives » (action methods), de la sociatrie (terme intégrateur d’une approche systémique de la psychiatrie sociale) et de la sociologie participante, des méthodes de formation de groupe en petits groupes, du co-inconsient familial et groupal et de l’atome social, base de l’identité groupale et personnelle…
Ce n’est qu’après sa mort que sa vraie date de naissance a été reconstituée, après des recherches minutieuses (de R. Schiferer [Vienne] et essentiellement par les travaux de recherche sur le terrain et en archives en Europe centrale du Pr René Marineau) et en rétablissant sa naissance du 6 mai « ancien style » au 18 mai du « nouveau style » du calendrier grégorien occidental, adopté par l’Europe centrale et orientale deux siècles après l’Angleterre et la France.

Né à Bucarest (Roumanie) en mai 1889, Jacob Moreno Lévy est élevé à Vienne, dans l’Empire austro-hongrois de François-Joseph, vaste empire multiculturel où on parlait allemand, hongrois, français, yiddish, « ladino », etc., en effervescence artistique et théâtrale, aux frontières mouvantes, où les étrangers sont peu aimés et où les familles juives comme la sienne errent d’un pays à l’autre, au gré des changements de frontières, de nationalités, des guerres, des situations économiques et de liens familiaux couvrant aussi bien la Turquie que la Roumanie, la Russie, l’Allemagne, les Balkans. Fils aîné d’un petit commerçant juif méditerranéen (« latino », « espagnol », « sépharade ») ayant émigré de Turquie en Roumanie et d’une très jeune mère sortie du couvent par ses frères pour être mariée à ce négociant semi-itinérant en bois de cercueils, il est adoré par sa mère qui lui chante des chansons en « ladino », lui parle dans plusieurs langues, mais le laisse partir seul à Vienne, à 16 ans, lorsque la famille se transplante à Berlin en 1904.

Étudiant en médecine et en philosophie, il rencontre brièvement Freud en 1912 à l’issue de son cours sur les rêves télépathiques, et, pendant la « grande guerre », s’occupe du camp de réfugiés de Mittendorf (Tyrol) (1917), où il va tester ses idées de regroupement des réfugiés par affinités, ce qui les aidera à mieux survivre, jetant les bases de la sociométrie. Il apporte de l’aide aux prostituées de Vienne, « d’être humain à être humain », hors de tout statut (dans notre langage actuel, on pourrait dire qu’il est à la fois style « Saint-Germain-des-Prés » de l’après-guerre et style « soixante-huitard » et « écolo »), à la limite de la provocation (il lui est arrivé une fois de sortir nu dans la rue, à Vienne, sans conséquence aucune d’ailleurs), de la mégalomanie et du rêve prophétique. Mais son bon sens l’emporte et l’emportera toujours sur ses impulsions et ses rêves.

Rien d’étonnant à ce que la rencontre entre le médecin juif connu essayant de s’intégrer, Freud, et l’étudiant juif à la limite de la révolte et de l’originalité, Moreno, une rencontre manquée : l’un et l’autre se veulent chefs d’école, l’un et l’autre ont des problèmes avec leur père et un fort attachement à une jeune mère. L’un et l’autre sont intéressés par les prophètes. Ni l’un ni l’autre n’ont suivi de thérapie personnelle avant de soigner les autres. L’un est plutôt renfermé (introverti) et l’autre presque trop expansif (extraverti), charismatique et théâtral.
De plus, Moreno a été hanté très jeune par le problème de Dieu : il joue à Dieu à l’âge de 4 ans, veut voler dans les airs, tombe de la chaise d’où il « s’envolait », se fait mal et en rêvera toujours par la suite.
Il a eu des difficultés à la fois avec le père et le Père, le nom du père, avec son nom et avec son propre père, et avec la naissance (ce qui l’empêchera, une fois devenu médecin, de pratiquer des accouchements).

Un étudiant de l’époque, comparant les deux hommes, disait : « Quitte à avoir des problèmes digestifs, je préfère mourir de diarrhée que de constipation » (une phrase souvent citée par Moreno).
Mais, c’est aussi une question de principes, Moreno se penche plus sur le futur que sur le passé. Il dit et répète : « On ne peut pas conduire une voiture en ne regardant que dans le rétroviseur, il faut voir de tous côtés, à l’avant comme à côté de soi. » II pense à l’action révolutionnaire du théâtre, au théâtre vivant (spontané, à l’inverse des « conserves culturelles »), à la sociométrie et au sociodrame pour jouer et ainsi résoudre les problèmes sociaux, raciaux, politiques, économiques, culturels sur une petite et une grande échelle.

Fig.3

Il essaye le « jeu de rôles » et le « renversement de rôles » (chacun des protagonistes d’un conflit prenant la place et le rôle de l’autre) pour faire prendre à chacun conscience du vécu réel de l’autre (avec qui il est en conflit) et avoir sur le champ un changement fulgurant et une « catharsis dans le renversement de rôles » permettant (parfois ou souvent) de résoudre des problèmes conjugaux comme des problèmes socio-économiques de l’industrie et les chocs culturels frontaliers. Roosevelt lui empruntera quelques idées pendant la guerre (en sociométrie, pour les commandos de marins ou les équipages d’avions, pendant la guerre), comme à Kurt Lewin, d’ailleurs.

On a souvent reproché à Moreno de ne pas tenir compte de l’inconscient ni du transfert, ce qui a conduit de nombreux psychodramatiste, français, anglais ou argentins, en particulier, à se faire aussi analyser.
Devenu médecin à Vienne en 1917, il sera médecin du travail (employé par la municipalité, engagé par le maire socialiste, et dans une usine de textiles, la Kammgarnfabrik), médecin des déshérités, et aussi « médecin des pauvres » (c’est-à-dire ne prenant pas d’argent pour ses consultations, quitte à avoir des dettes) à Bad Vöslau de 1918 à 1924. Mais il fréquente aussi assidûment les cafés de Vienne (Café Herrenof, Café Muséum) et crée en même temps la revue Daimon (1918-1922), à laquelle vont collaborer, entre autres, Max Brod (l’éditeur de Kafka), Martin Buber, Arthur Schnitzler, Franz Werfeld (le troisième mari d’Alma Mahler), Oskar Kokoschka (le grand peintre expressionniste), Alfred Adler (avec lequel il gardera une longue amitié).

La théorie de la rencontre est autant de Moreno que de Martin Buber, et la paternité n’en est pas certaine. Ils respiraient le même air, et c’est un bouillonnement d’idées qui jaillit de ces rencontres dans les cafés viennois et au comité de rédaction de la revue.
Il crée aussi le « théâtre spontané » (Das Stegreiftheater, 1923-1924), sorte de théâtre d’improvisation de 49 places (4 Mayergasse à Vienne) sur les nouvelles du jour, essayant de battre de vitesse les journaux pour l’information (rappelons que c’était avant la radio et la télévision).
De jeunes acteurs viennent et reviennent y jouer les événements du jour. Moreno aura là l’intuition de la catharsis de l’acteur par le jeu et de la thérapie de l’acteur par les rôles tenus, à partir du cas de la jeune Barbara (d’où naîtra en Amérique le psychodrame, déjà présent dans le théâtre spontané de Vienne).
Il est tenté par la vocation messianique. Il est hanté par l’idée d’un « Dieu comme acteur » et créateur (1911) et écrit anonymement, en 1920, Das Testament des Vaters (The Word of the Father [1941, États-Unis], « Le Renouveau de Dieu »). Il se sert du théâtre et du petit groupe comme ferment de changement : sociatrie (ou psychiatrie sociale), formation (training) de groupe et psychothérapie de groupe, sociodrame et psychodrame.

On pourrait dire qu’il hésite entre transformation et révolution, entre la révolte (à l’extérieur du système) et une entrée dans le système par la petite porte : s’occuper de marginaux, d’enfants dans les rues et les jardins, de prostituées, d’expériences théâtrales (contes et histoires racontés aux enfants, expériences de théâtre en rond, travail avec des déshérités, en prison, avec des réfugiés)…
Il se dit influencé par Jésus, par Socrate et par Nietzsche, et fait des expériences de « théâtre en rond » et de « théâtre spontané » avec la participation des spectateurs (1er avril 1921, premier sociodrame et échec public – mais l’idée restera).
Il présente d’ailleurs (indirectement) son idée de « théâtre en rond » à l’exposition universelle de Vienne sur le théâtre : maquette de (Moreno, anonyme)-Honigsfeld, le 24 septembre 1924 (en opposition à un architecte officiel, Kiesler, que Moreno accuse de plagiat, parlant anonymement de la salle, puisqu’il n’est officiellement rien). C’est le scandale, et un procès que personne ne gagne finalement.

Le parcours de J. L. Moreno à travers ses expériences et ses écrits

Vienne: Le théâtre de la spontanéité, repris en 1970 aux États-Unis.
Bad Vöslau: entre théâtre, médecine et crises mystiques (il écrit anonymement, au nom de Dieu).
En 1919, il rencontre une « muse », Marianne Lörnizo, avec laquelle il va vivre une relation exaltée, au grand dam de ses parents à elle. En 1923, il commence à Vienne, avec le jeune frère (17 ans) de Marianne, Franz (futur ingénieur très doué), des recherches sur une machine à enregistrer le son et l’image : la « Radio-Film », qu’il aurait fait breveter. Les Américains s’y intéressent et les inviteront tous les deux aux États-Unis, en 1925.

Débuts aux États-Unis (à partir de 1926)

Peu après la mort de son père (Moreno Nissim Lévy) en octobre 1925, le « jeune Moreno » part en Amérique le 21 décembre 1925, se rajeunit de trois ans à son arrivée en 1926, intervertit légalement ses noms et prénoms (il prend donc le prénom de son père comme nom de famille, Moreno ayant aussi le sens de professeur en hébreu [Moreh] et de « notre professeur », Morenu). Professeur, il l’est, dans un sens socratique d’ailleurs, le plus souvent, et il devient J. L. Moreno.

C’est ainsi qu’il s’est toujours fait appeler, de son vivant, « J. L. », ou « Professor », ou « Doctor » – désir que nous respectons (rappelons ses difficultés avec le père et le nom du Père). Déjà enfant, il ne voulait pas se faire appeler par son prénom – même en famille – et, adolescent et étudiant, il voulait à la fois écrire anonymement, au nom de Dieu, dans des crises quasi mystiques ou quasi mégalomaniaques (il les définit ainsi lui-même) et obtenir la reconnaissance de la paternité de ses idées.
Remarquons que ce paradoxe continue, car le monde lui emprunte ses idées et même ses mots, sans les lier à sa personne.

Rappelons que, dans un « mouvement poétique », il s’est rajeuni de trois ans pour se faire naître en 1892, ce qui compliquera quelque peu l’histoire familiale, car son frère aîné, William, né, lui, réellement en 1892, deviendra donc pour lui l’aîné à qui il se permettra de demander de l’aide pour ses entreprises ; il « se fera naître psychodramatiquement » de « très jeunes parents – sur un bateau voguant sur la mer Noire ». Voilà donc pour les circonstances et cette date inexacte de 1892 que l’on peut lire dans tous les dictionnaires et dans tous les livres traitant du psychodrame.
Pourquoi 1892 ? C’est ce que son biographe, le psychodramatiste et universitaire René Marinau, proposera – après sa mort – de décoder comme une identification à l’exode des juifs chassés d’Espagne au moment de l’Inquisition par Ferdinand d’Aragon et Isabelle la Catholique, en 1492, et partant-errant en bateau sur la mer Méditerranée (rappelons aussi que 1892 est aussi la date de naissance de son amie Béatrice, qu’il va aussi délaisser en s’installant vraiment aux États-Unis). Cette date de 1892 peut être donc un petit « signe »… inconscient.
Les débuts de Moreno en Amérique sont difficiles : il n’a ni argent, ni appui, ni visa de travail, il parle mal la langue, son « invention » (ou plutôt son idée, mise au point par Franz Lörnizo) d’un appareil technique d’enregistrement n’a pas de suites.
Il hésite entre théâtre, créativité, sociologie et médecine, se fait aider par une jeune femme, nièce du fameux prédicateur américain Henry Ward Beecher, ami du Président Abraham Lincoln : Beatrice Beecher (née en 1892) qui lui propose un « mariage de convenance » (mariage le 31 mai 1928, dont il ne parlera plus jamais après leur divorce), ce qui facilitera sa naturalisation et son intégration aux États-Unis.
Il s’installe à nouveau comme médecin à New York (à l’hôpital, puis en ville) et ensuite au nord de l’État de New York – à Beacon – en 1936.

L’essor; Beacon, 1936-1967

Moreno achète à Beacon, à une centaine de kilomètres de New York, une ancienne école dans un grand parc et y crée une clinique psychiatrique privée1 avec un théâtre thérapeutique, avec l’aide de Gertrude Franchot Tone (suffragette, militante de gauche et millionnaire), mère du grand acteur Franchot Tone. Il travaille avec la sociologue Helen Jennings sur les regroupements de prisonniers par affinités (ce qui deviendra la socio-métrie), crée son propre institut et sa propre maison d’édition (Beacon House) et commence à publier en anglais, à parler de la théorie des rôles et de la spontanéité créatrice, à enseigner à l’université de New York (mais sans y être nommé professeur titulaire) et à parler dans des réunions et congrès de psychiatrie…

Il épouse en 1938 Florence Bridge (une stagiaire de l’école de Hudson, où travaillait déjà Béatrice, dont il s’est séparé en 1936 alors qu’il créait sa clinique). Ils auront une fille, Regina, en 1939 (qui sera élevée par Zerka et J. L. Moreno, à Beacon, dans la petite maison familiale, voisine de la clinique psychiatrique, après le divorce avec Florence).
Le 21 août 1941, Zerka Toeman (née en 1917) vient (à 24 ans) à Beacon pour le consulter au sujet de sa sœur, et c’est le coup de foudre : elle deviendra sa « muse », puis sa collaboratrice, puis sa femme et l’aidera toute leur vie à écrire, publier, faire des conférences, gérer ses affaires, diriger sa clinique et son institut de sociométrie…

J. L. Moreno et Zerka Toeman écrivent leur premier article ensemble en 1942, se marient en 1949 et ont un fils, Jonathan, en 1952. Peu après, Zerka montre et démontre au monde son courage, sa ténacité, son énergie, son allant et sa volonté de vivre en survivant à un « sarcome » de l’épaule droite (elle est amputée en 1958) et en reprenant sa vie active auprès de Moreno comme si de rien n’était.

L’envol international après la fin de la guerre (1950)

Juste à la fin de la Seconde Guerre mondiale, à la suite du 2e Congrès international de criminologie de Paris (octobre 1950, organisé par le père Pierre Piprot d’Alleaume en même temps que le Congrès international de psychiatrie), Moreno s’invite à Paris.

J. L. Moreno vient et revient en Europe (il est invité par le Pr Juliette Favez-Boutonier, responsable de la section de psychothérapie de ce congrès de psychiatrie) et prend des contacts, surtout avec des psychanalystes, fin 1950 et avril 1951, en vue de regrouper ceux qui s’intéressent aux méthodes de groupe, peu connues mais qui ont commencé à se développer pendant la Deuxième Guerre mondiale, surtout en Angleterre.

Il fonde le « Conseil international de psychothérapie de groupe » et organise des rencontres entre praticiens de ces nouvelles sciences, ainsi qu’avec les sociologues Georges Gurvitch, Jean Stoetzel… Pendant plus de vingt ans, il participera à de multiples congrès (psychothérapie de groupe, psychodrame, sociométrie).

Il fonde en 19731’« Association internationale de psychothérapie de groupe » (IAGP), dont il choisit de ne pas prendre la présidence, afin qu’elle soit réellement représentative de toutes les tendances de la psychothérapie de groupe.

« Who shall survive ? » (1934) ou les fondements de la sociométrie

Who shall survive [« Qui survivra ? »] est considéré comme l’œuvre majeure de Moreno, où il développe pour la première fois la théorie des rôles (son ouvrage sort peu avant le cours – publié de façon posthume -de George Herbert Mead Mina, Self and Society, 1934, qui porte aussi sur la théorie des rôles).
Pour Moreno, l’apprentissage des rôles se fait en interaction avec un « ego auxiliaire », généralement la mère : rôles physiologiques, sociaux, professionnels, de tranche d’âge ou de génération.
Cette approche et cet ouvrage lui permettent de promouvoir la sociométrie (la science, la mesure et l’art des relations humaines) et les tests de spontanéité comme science indépendante permettant de mesurer les interactions affectives, sociales, professionnelles, familiales et groupales. C’est ailleurs après ce travail et son passage chez Moreno que Kurt Lewin développera la dynamique des groupes et publiera, dans la revue de Moreno, sa « recherche princeps » sur les groupes, « Climats autoritaires, démocratiques et laisser-faire ». Et que Fritz Péris « inventera » la Gestalt-thérapie (en lui empruntant « la chaise vide »).

La réédition largement révisée de 1953 est devenue un classique de la sociologie, de la microsociologie, de la psychologie sociale, et sert aussi de « bible » aux psychodramatistes du monde entier.
Cet ouvrage est le plus représentatif de la recherche-action et des méthodes actives (action methods) en sociométrie – y compris les applications thérapeutiques et pédagogiques ; il y définit également le sociodrame et le psychodrame, avec leurs règles et leurs instruments.
Rappelons que la sociométrie s’est largement développée depuis Moreno et est utilisée tant dans la lutte contre les accidents de guerre ou de l’industrie que dans les cours d’école, pour améliorer les équipes et leur fonctionnement, lutter contre les accidents du travail, favoriser l’épanouissement personnel et comprendre ce qui ne va pas dans le fonctionnement social, personnel et professionnel ; elle devrait mener à une thérapie.
Moreno a offert sa revue à la Société américaine de sociologie, qui a largement développé cette branche, éloignée maintenant de la paternité morénienne.

Psychothérapie de groupe et psychodrame : introduction théorique et clinique à la socio-analyse (1965)

Fig.1

II s’agit là du recueil de textes essentiels allemands et américains de Moreno et de cas cliniques de psychodrames, adultes et enfants normaux et malades, issus principalement de ses ouvrages (des recueils d’articles) : Psychodrama I (1946), Psychodrama II (1959, avec Zerka T. Moreno).
Cet ouvrage présente à la fois le psychodrame de nourrissons (dans un article écrit par Florence Moreno, sa première femme), le psychodrame d’un mariage, des règles psychodramatiques, et de nombreux cas cliniques et d’applications diverses du psychodrame.
Le psychodrame est à la fois, pour J. L. et Zerka Moreno, une philosophie de l’homme en interaction et en rôle, une approche ou une méthode de formation personnelle et professionnelle psychothérapique et pédagogique, et un ensemble de techniques dramatiques (environ 300) individuelles et de groupe permettant à un client, actif ou malade, de résoudre ses problèmes ou de s’y préparer en jouant et mimant des situations, et en utilisant des techniques théâtrales et corporelles.

Être acteur de sa propre vie : développer l’éventail de ses rôles et de ses possibilités

Dans sa théorie des rôles, Moreno distingue les rôles passés et les rôles dépassés (par exemple, les adultes ont dépassé le rôle d’enfant et les hommes n’utilisent plus leur voix d’avant la mue, qui peut toutefois revenir momentanément en psychodrame), les rôles actuels et les rôles futurs (par exemple, tout adulte deviendra un vieillard, s’il ne meurt pas avant).
Et, parmi les rôles importants à distinguer, les rôles physiologiques, qui sont aussi des rôles appris dans l’enfance, comme dormeur, marcheur, mangeur.

Il est donc important d’en tenir compte, de choisir ses rôles et de ne pas s’en tenir à un apprentissage souvent interrompu dès les premiers succès, sans que l’acquis soit total (par exemple, on peut se contenter de marcher mal, puisqu’on est debout, mais aussi essayer de marcher au mieux de ses possibilités de « marcheur» ). On peut s’y exercer en psychodrame (on voit des transformations physiques et somatiques extraordinaires se faire de suite, dès la prise de rôle).
Pour J.L.Moreno, la vie, c’est l’action, et l’on est acteur de sa propre vie : chacun écrit et interprète son propre script.

Le psychodrame, « c’est jouer sa (propre) vie sur scène» dans un revécu affectif intense qui « dégèle » les affects et amène la remontée des souvenirs bloqués, qui sont retravaillés (l’interaction, les rôles, les rêves).

En psychodrame, il s’agit de vivre une situation passée, présente ou même future, non en la racontant dans un « colloque singulier » (comme en psychothérapie ou en psychanalyse), mais dans une action improvisée, une sorte de commedia dell’arte s’appliquant à une situation vécue : le sujet qui travaille, le héros (ou protagoniste) exprime ses véritables sentiments et met en scène la situation avec l’aide de tous les personnages nécessaires à l’action, et qui lui donneront la réplique. Ces « ego auxiliaires » (assistants) réagissent spontanément en se fondant non seulement sur ce que le protagoniste a dit de la situation et des personnes qu’ils incarnent, mais surtout sur les réactions ou les sentiments que provoque chez eux l’acteur principal, ou suivant les indications données par le «psychodramatiste ou psychodramaturge responsable de la séance » (Ancelin Schützenberger, 1966).

En psychodrame, il ne s’agit pas de jouer un rôle, comme au théâtre, mais d’être soi-même, de tenir son propre rôle, d’être comme dans la vie, aussi authentique que possible et de « parler vrai » quitte à dire « en aparté » ce qu’on ressent, ou le faire exprimer par un « double » ; ou surgir dans un « renversement des rôles » (les co-acteurs changeant de place et de rôle), ou dans une « projection dans le futur » (ce qui pourrait advenir dans cinq ou dix ans), ou dans un « surplus de réalité » en donnant une autre fin à une situation difficile comme, par exemple, de dire au revoir à un parent mort et à qui on n’a pas pu parler avant sa fin, ce qui permettra de clore une situation, de fermer la Gestalt et de « passer à autre chose ».
On ne fait pas semblant (on est, on s’imagine, on se vit en situation), mais on « fait comme si » (phrase classique dans les écoles d’art dramatique).

Fig.2

C’est une distinction importante, sur laquelle clivent et divergent les diverses écoles, moréniennes et analytiques (ce qui amène les « classiques » à faire du psychodrame de psychotique en institution2, et les analystes à l’éviter).

Pour les « vrais » psychodramatiste, classiques, moréniens et triadiques, c’est-à-dire utilisant à la fois le soubassement analytique et toutes les idées et techniques psychodramatiques -, « on fait comme si », on s’implique dans son corps, les gestes sont sentis et ébauchés (donc on se touche, mais sans aller au bout de geste, comme au théâtre), ce qui fait du psychodrame ainsi compris une technique à la fois corporelle et psychocorporelle, utilisant à la fois le corps, le vécu affectif, la parole, les rêves, les associations d’idées, la catharsis (catharsis d’intégration) et la perlaboration, dans l’après-coup et une reprise éventuelle des thèmes3.

Le psychodrame analytique (cf. Lebovici, Anzieu) est essentiellement freudien et parlé, souvent individuel ; il s’agit généralement de thérapie individuelle en groupe (et non « de groupe »), souvent animée par un couple d’analystes et utilisant peu ou prou les techniques moréniennes, sauf le chœur antique. (Mais en psychodrame analytique, on ne fait rien du corps et du geste, ce qui fait une grande différence dans le jeu et le vécu…)

On pratique aussi, depuis une cinquantaine d’années, une version plus groupale du psychodrame clinique au St Elisabeth Hospital (Washington, DC), version centrée sur la communication non verbale et le groupe.
Mais jouer activement debout en interaction n’est pas tout : il y a aussi le «psychodrame mental» de José Fonseca (Brésil) et le psychodrame à soubassement psychanalytique. Paul Holmes (R.-U.), Sandra Garfield (États-Unis), Pierre Weil (Brésil), Anne Ancelin Schützenberger (France), Pierre Fontaine (Belgique), Dalmiro Bustos (Argentine) – tous psychodramatistes classiques et analysés – rapprochent ces deux écoles qui se croient opposées.

Réflexions sur le parcours de J.L. Moreno

On peut se demander comment et pourquoi Moreno a réussi ce tour de force d’être à la fois si célèbre et si méconnu, si utilisé et si peu réellement lu et enseigné « dans le texte », du moins en Europe occidentale et dans les pays de langue française.
Peut-être est-ce parce qu’il s’est situé contre Freud (« Je vais poursuivre là où vous vous êtes arrêté », lui aurait-il dit sur le pas de la porte), qu’il a choisi, dans son adolescence, de ne pas se faire appeler par son vrai nom (même en famille) et de publier anonymement en espérant que ses idées descendraient dans la rue (là, il a été plus qu’entendu : le monde entier utilise son jeu de rôles, et même son terme de psychodrame), de poursuivre de son ire ceux qui le plagiaient ou lui « volaient ses idées » (cf. son introduction à Psychothérapie de groupe et psychodrame), d’avoir sa propre maison d’édition (court-circuitant ainsi les circuits commerciaux et universitaires habituels de diffusion des ouvrages), de créer et de donner à d’autres ses revues, et puis de recréer des revues de sociologie et de psychothérapie, de se fâcher avec un très grand nombre de ses meilleurs élèves et collègues… dont certains finalement ont créé des groupes et associations de psychodrame ou de formations autres, sans le citer, comme par exemple les divers mouvements de psychodrame analytique d’origine française ou argentine, ou de sociométrie et de sociologie américaine et internationale…

Il faudrait ajouter, avec René Marineau et d’autres, que ses multiples voyages et sa démarche de démarcheur-démonstrateur-pèlerin de ses idées l’ont empêché d’approfondir et d’élaborer théoriquement ses idées en sociatrie, en « méthode de groupe » et en psychodrame – ce que feront les cliniciens anglais (Bion, Foulkes, Winnicott) et les universitaires français (Lebovici, Anzieu et d’autres). Ils vont l’élaborer dans des écoles de pensée séparées, généralement psychanalytiques.
Moreno est plus homme d’action (« Au commencement était l’action », drapeau qu’il reprend à Goethe) qu’homme de laboratoire et de recherche. Et plus homme d’idées géniales, pas toujours poussées jusqu’au bout, et de notes ou d’articles écrits en réponse à une demande et en collaboration avec des assistantes que d’ouvrages mûris longuement. Par exemple, bien qu’ayant télégraphié à Juliette Favez-Boutonier qu’il viendrait parler à son congrès de Paris en 1950, il n’a jamais envoyé ses résumés et ne figure donc pas dans les Actes des congrès de psychiatrie (1950) et de criminologie (1950) que nous avons édités aux puf à l’époque. Cependant, à cette occasion, il a pris des contacts qui ont changé la psychothérapie dans le monde.
Moreno a-t-il ou non réellement influencé Pirandello pour Six personnages en quête d’auteur (voir les remerciements posthumes des proches de Pirandello à la famille de Moreno) ? Ou a-t-il même inventé le psychodrame et la psychothérapie de groupe ? De toute évidence, il y a des idées dans l’air du temps et, si l’on en croit Ruppert Sheldrake, une certaine communication d’inconscient à inconscient (par les « ondes morpho-géniques ») fait que les idées circulent et se découvrent presque en même temps, sans qu’il y ait eu vol, trahison ou plagiat…

Cependant, il est certain que Moreno a marqué son temps et son époque. Il a été, sinon le seul, du moins l’un des premiers et des plus tenaces à vouloir changer le monde par les sciences sociales et à faire le saut entre macro-sociologie, micro-sociologie et psychothérapie, pensant que le psychodrame individuel et surtout le groupe, la sociatrie, la théorie de la rencontre vraie, des rôles, le statut sociométrique et les problèmes des rejetés, bref, que l’ensemble de ses idées permettraient de mieux comprendre le monde et d’y survivre. Il a compris dès les années 1920 qu’on ne peut plus vivre dans un monde de « conserves culturelles » et que celui qui ne sait ni voir ni avoir de la « spontanéité créatrice » pour inventer une solution-réaction-création devant une situation nouvelle, difficile et imprévue dans un monde nouveau et en changement, est condamné à périr.
Who shall survive? est écrit en 1934, c’est-à-dire juste après l’arrivée au pouvoir de Hitler (1933) et la grande dépression qui a suivi l’effondrement de la Bourse de New York en octobre 1929, prélude au chômage mondial et à la guerre.

Moreno a toujours voulu que ses idées descendent dans la rue et soient accessibles à tous, tant aux enfants qu’aux déshérités. Toute son œuvre est actuelle… En même temps, il se plaignait de ne pas être assez reconnu, universitairement parlant par ses pairs. Il n’a jamais été professeur d’université. Mais aurait-il aimé aller travailler chaque jour, faire de l’administration et publier seul, lui qui a surtout publié des articles courts, dictés sous l’impulsion ou avec l’aide de « muses » et assistantes diverses, et regroupés ensuite en volumes ? Il a fort peu exercé la médecine du pauvre et de l’opprimé (gratuite), même s’il est finalement revenu à la médecine et à une clinique thérapeutique (dirigé par sa femme Zerka).

Dans le domaine de la recherche, Moreno a toujours prôné le subjectif-objectif, à la fois le fait de noter et quantifier les relations affectives (mesure du social ou sociométrie) et l’importance d’être un « observateur-participant », c’est-à-dire de pouvoir à la fois s’immerger dans le contexte, en parler, et pouvoir parler de soi en situation et de la situation. Là, on est parfois loin de la neutralité bienveillante de Freud et même du minimum de chaleur utile de Carl Rogers, et surtout de la manière de réfléchir et de quantifier des sciences dites exactes ; mais il a été le premier à quantifier les relations humaines et à proposer un outil d’observation de l’extérieur (sociométrie par observation) et d’expression par l’intérieur (par questionnaire).

J. L. Moreno était plus un tribun ayant besoin d’un public qu’un homme de cabinet, plus un homme de congrès, et surtout de crise, que d’un travail suivi et régulier avec des malades : il a navigué pendant des années entre Beacon et la ville de New York, puis dans le monde entier (avec ses démonstrations ouvertes de psychodrame et son institut de formation), de congrès en congrès.
C’est pourquoi on le crédite plus d’idées de génie que de recherches pointues, car il n’est pas allé au bout de toutes ses intuitions et n’a pas élaboré toutes ses idées et découvertes, souvent géniales, comme les concepts de status sociométrique, de populaire, de rejeté, d’oublié et, surtout, de co-conscient familial et groupai et de co-inconscient, allant de fait au-delà de Freud et de Jung et les complétant : ses intuitions nous paraissent indispensables pour comprendre l’homme, le groupe, le travail et la famille.
Il a à la fois refusé l’adaptation et choisi la révolution psychiatrique et la révolution personnelle après choc, catharsis d’intégration – tout en ayant fait aussi du jeu de rôles un entraînement à la spontanéité, au travail, à la formation médicale et au retour à la vie dite normale.

Conclusions

Freud nous a apporté l’inconscient, Jung l’inconscient collectif, et Moreno le co-inconscient familial et groupai, que nous découvrons depuis une quinzaine d’années comme étant aussi un co-inconscient transgénérationnel.
Ce concept de liens trangénérationnels est lié à celui de co-conscient et de co-inconscient familial et groupai, lequel est lié au concept morénien d’atome social, nucleus un peu flou de tous les liens d’une personne avec d’autres, vivants ou disparus, positifs, négatifs, et donc à la base de toute thérapie systémique et transgénérationnelle… et de tout psychodrame.
J. L. Moreno a dit un jour que pour faire du psychodrame, on a besoin à la fois de formation, de créativité et, surtout, de courage pour essayer.

Faire du psychodrame est aussi une manière de vivre, un style, un art aussi bien qu’une science.
D’une certaine façon, faire du psychodrame, quand on travaille avec des groupes, c’est utiliser tout son potentiel humain, sa science, son art, sa créativité, sa culture, sa mémoire, ses possibilités de comprendre à la fois le monde et son contexte, le milieu du sujet (sa « niche écologique » et sa psycho-histoire) et de quel lieu, conscient ou inconscient, de quel « endroit », de quelle douleur, de quelle angoisse, de quel espoir le « sujet dont on parle, parle », comment le je et le moi s’expriment.
Pour Moreno, son psychodrame, sa « théorie de la rencontre », son atome social, sa psychothérapie de groupe et sa sociométrie, sa psychothérapie sont des moyens complémentaires pour aider l’autre à grandir, à mûrir, à devenir ce qu’il est, à utiliser toutes ses possibilités et potentialités, ce qu’il voudrait être, ce qu’un autre pourrait être, et de pouvoir muer en rejetant l’ancienne peau, ou les rotes dépassés, pour devenir ce qu’il est, ce qu’il veut vraiment être.
C’est donc une vision humaniste et prophétique de l’homme, proche à la fois des visionnaires, des prophètes sociaux, des créateurs d’écoles politico-religieuses, des entraîneurs de foule ou d’équipe de football, des passeurs d’hommes. Moreno ouvre les portes de l’avenir aux déshérités et pense que, quel que soit son passé, on peut naître et renaître sur la scène du psychodrame en état naissant (in status nascendi), dans le giron du groupe ou sa matrice (in locus nascendi).
Dans ce monde souvent voué au paraître, au « faire semblant », au « pousse-toi de là que je m’y mette » et à la féroce « lutte des places », il crée un espace d’expression en toute liberté et en toute sécurité, un endroit pour rêver, pour rire et pleurer, pour renaître, pour être et devenir.
Au tournant de ce siècle où tout change, du sens de la famille, de la manière de faire la guerre, à la concurrence économique et à la mondialisation, il est fondamental, pour survivre, de comprendre ce monde et de changer rapidement sa manière de percevoir, d’être, de penser et de réagir en voyant la situation par les yeux de l’autre, en se mettant à sa place.

Moreno écrivait déjà en 1914, dans le Motto de la rencontre :

« Je t’arracherai les yeux
et les mettrai à la place des miens
et tu m’arracheras mes yeux
et les mettrais à la place des tiens» (…)
« Et je verrai le monde par tes yeux
et tu le verras par les miens
dans un échange vrai
et nous nous rencontrerons. »

Voir le monde réellement comme le voit l’autre, l’ami ou l’adversaire, c’est ce qu’il est urgent d’intégrer si nous voulons que notre monde occidental et sa manière d’être, sa culture et ses valeurs survivent dans ce troisième millénaire de lutte entre visions différentes et opposées.
Moreno est plus actuel que jamais.

On nous a appris à tenir des rôles dans la vie, comme nos parents l’ont appris à leur époque de leurs propres parents – et personne ne nous enseigne comment nous pouvons agir et réagir dans ce monde inconnu qui déferle sur nous. Comme Alvin Toffler l’écrivait déjà dans Le Choc du futur (1970), « le futur nous tombe dessus plus rapidement que nous le pensions, avec une effrayante nouveauté et plus de changements brusques que nous pouvons digérer et comprendre » ; et nous n’avons pas ou peu d’outils ou de nouveaux paradigmes pour le comprendre.

Pour Moreno, toute communication (télé) est toujours mélange d’empathie, de communication (consciente), de transfert, de projection, et seule une rencontre vraie (ou du psychodrame avec renversement des rôles) permettrait de sortir de l’incompréhension, du conflit et de l’impasse, et d’ouvrir l’avenir.

Apendix:
1. La clinique de Moreno, à Beacon, ferme ses portes en 1967, mais les séminaires de formation vont continuer sous la direction de Zerka Moreno, même après la mort de Moreno (1974). Puis Beacon sera vendu le 21 août 2000 (par «coïncidence», date anniversaire de leur rencontre) et Zerka déménagera à Charlottesville, près de son fils Jonathan, professeur d’éthique médicale à l’université de Virginie.
2. Le St Elisabeth Hospital (Washington DC, États-Unis) propose, depuis 1935, une thérapie par le psychodrame de longue durée à des malades psychotiques (James Enneis, 1966) et à des criminels internés, ainsi qu’une formation au psychodrame d’un an en internat (avec bourse d’interne). Nous avons aussi fait du psychodrame de psychotiques à Paris (hôpital Sainte-Anne) et après (A.A.S.).
3. L’expérience prouvant que la catharsis et même le working through (perlaboration) n’empêchent pas une reprise, plus tard, de symptômes ; il faut souvent les retravailler sous plusieurs angles, selon la comparaison musicale de Freud (Footnotes) avec une symphonie, dont les thèmes sont repris sous divers registres et juste avant la fin (D. Leader, La question du genre, Paris, Payot, 2002).

Anne Ancelin Schützenberger, PhD, TEP, 1919 is French, raised and educated in Paris (France). She lives in Paris and is Professor Emeritus, University of Nice. She was a Professor of Clinical Social Psychology there since 1967 (actually professor emeritus, still giving some lectures on clinical socio-psychology, non verbal communication, and trangenerational links). She was trained in psychodrama by J. L. Moreno from 1951 and also by Jim Enneis (St Elisabeth’s Hospital, Washington DC); in group-dynamics and psycho-sociology at the University of Michigan (Ann Arbor, 1950-52) and also at the National Training Laboratories (NTL, Bethel, Maine) with Kurt Lewin’s group, Leon Festinger, Ronald Lippitt, Alvin Zander. She was the first European to be trained at N.T.L. (1951). She worked with Carl Rogers, Margaret Mead, Gregory Bateson, Leon Festinger, the Palo Alto group and their non-verbal communication research group.

Professor Anne Schützenberger was also a student of Elisabeth Kubler-Ross; and a visitor in Moshe Feldenkrais’ Body Work training for 2 years in USA and Paris. She is a co-founder with J.L. Moreno of IAGP (International Association of Group Psychotherapy), and organized the First International Congress of Psychodrama in Paris, (1964), and also the First European Congress of Humanistic Psychology and Psychotherapy in Paris in 1971.
At 87 years, she is still working, running groups, lecturing, and training in psychodrama, non verbal-communication, group-psychotherapy, unfinished tasks [Zeigarnik Effect], unfinished mourning of various losses, and transgenerational links.

She is one of the main pioneers in the field of transgenerational therapy (genosociogram, encompassing five to seven generation and “coined” the term “psychogenealogy”) and had become a best seller.

Professor Anne Schützenberger is an expert on Psychodrama (certified T.E.P.) for the United Nations (Europe) since 1970, and is an International trainer and supervisor in Psychodrama (T.E.P.), working on 5 continents for 40 years. She has received many awards, especially, the Prix de l’Aide Alliée à la Resistance (1948) for her work in the French Underground, (during World War II), the Soroptimist International Award(1950) and an honorary fellowship from the International Association for Group-psychotherapy (IAGP) (2002) She was one of the co-foundators and pioneers in 1950.

She has become a best-seller at 80 with her books on transgenerational links [The Ancestor Syndrome] translates in seven languages, and has written many books and chapters in many books in French and English, in Europe and USA.

http://www.psychogenealogie.name